GOOOOOAL !
Ah, une finale ! Cette ultime confrontation, ce dernier recours avant la mort subite, ce duel pour le titre suprême, prenons celui de Swiss League de hockey sur glace par exemple, est une source inépuisable d’enrichissements personnels, d’apprentissage et de découvertes du comportement déconcertant du genre humain. Vérifiez et faites l’expérience vous-mêmes !
Lorsqu’une émotion extrême balaie les clivages socioculturels, lorsque l’exaltation perce le rempart intellectuel, lorsque le débordement submerge l’héritage de toute une vie d’éducation, cette observation de nos congénères nous renvoie parfois une réplique impudique du revers de notre propre image. Regardez autour de vous !
Il y a ce jeune père de famille. La petite quarantaine, petit pli adipeux naissant, l’homme fleure bon le SUV, le bien comme il faut et la belle lignée. Il savoure le spectacle, visiblement à l’aise dans les attitudes et les attributs composant son statut social. Parfaitement maître de son langage corporel, notre homme ne se doute pas que ce vernis ne résistera pas au châtiment du sport. Le verdict, la sentence tombe à la 23e seconde du 2e tiers-temps. Goal ! On assiste alors à un effondrement et tout à la fois à une métamorphose. Un verre se brise, la photo s’échappe du cadre. Un masque tombe.
Il y a donc un goal ! Hormis le camp des « méchants », le public jubile. Normal. En pareilles circonstances, les manifestations d’une émotion varient selon une graduation, une intensité révélatrice de la capacité de chacun de faire face, à un événement, de gérer l’instant. Dans le cas observé ci-dessus, on flirte avec une hystérie naissante, dans la mesure où plus rien n’adhère aux fondamentaux d’un comportement réputé jubilatoire certes, mais maîtrisé, raisonné. Les commandes ne répondent plus.
Fort heureusement, ce cas relève de la dérogation, car la pure et libératoire explosion jouissive appartient fort heureusement à la majorité de nos semblables. Goal ! Oui, bravo, bien joué. Ça s’arrose ! Bien, mais, passons à autre chose. Et surtout gardons la tête près du bonnet et souvenons-nous que ce voile de l’hystérie, même naissante, fait le lit de déferlements plus graves, irréversibles parfois, dont des ultras de tous les camps font leurs choux gras chaque weekend.
On pense alors à Rome, à son pain et à ses jeux. Cette célébration, cette jubilation et ses dérapages s’inscrivent dans un processus organisé, un court-termisme dont se régalent d’autres ultras, leaders politiques, religieux, les pilotes de ces débordements. Restons vigilants et ne perdons pas de vue le piège tendu par les ignorants.
Alors, goal ! Public debout ! Oui, mais pas autogoal